La mort peut paraître lointaine, quand on est jeune. Quand on grandit, on découvre le monde autour de soi. On se rend compte que cette silhouette encapuchonnée nous suit partout. On se rend compte qu’à chaque passage piéton, il y a le risque de se faire écraser. A chaque fois qu’on boit ou qu’on mange quelque chose, le risque de s’étouffer est présent. De même à la piscine. On n’y va avec les ami(e)s, on s’amuse et on se noie…. C’est comme ça que je suis morte. Sauf que je ne le suis pas vraiment, j’ai simplement était détruite de l’intérieur. Ma vie était banale, j’avais des amies, une famille heureuse… Un soir, coup de téléphone. Le drame. La sanction de ma vie trop monotone était tombée. Mon frère est mort. Ma mère, dans le coma. Je ne peux pas la voir. Chaque nuit, je rêve de leur visage. Celui de mon frère, pâle et ensanglanté, sur le siège qui brule. Celui de ma mère, sans couleur, plongé dans un éternel sommeil. Peu de temps après les funérailles de mon frère, je peux enfin la voir. Le choc. Elle ne m’entend plus. Elle ne veut pas se réveiller. Elle est là, dans son lit de mort, près à l’affronter dignement. Et chaque nuit, le même cauchemar… La voiture qui roule silencieusement, mon frère à l’avant, discutant avec ma mère. Elle ne voit pas le feu rouge, trop absorbée par la discussion. Des cris. Le bruit des pneus. Une explosion. La voiture s’embrase. Les passants s’arrêtent, on hurle, on cri, on appelle. La vie de mon frère s’est arrêtée ainsi, si brusquement, juste avec une petite erreur d’inattention. La vie de ma mère se stoppe plusieurs semaines plus tard. Pourquoi ? Pourquoi faut-il que le chemin qu’ils avaient tracé est été si brusquement interrompu ? Pourquoi l’avenir de mon frère, si prometteur, a-t-il été brisé ? Je sombre dans un monde noir sans limite, sans fin. Mes ami(e)s se détournent de moi. Et aujourd’hui, seul dans le jardin, je regarde le ciel. Je repense aux magnifiques vacances que nous avons passés tous ensemble, près de la mer ou à la montagne. Tout ça est fini. Plus jamais nous ne serons réunis. Plus jamais je n’entendrai la voix de ma mère. Je ferme les yeux, j’imagine une dernière fois son visage. Désolée, maman. Mais après tout ce que j’ai enduré, après ma maladie, celle de papa et sa violence, mon frère que je ne vois presque plus, après ton sourire, non. Je ne t’oublierai pas. Je veux juste laisser ton image de coté pendant un bon moment. Reforger ma vie, la prendre en main. Car non, je ne me suiciderai pas. Pas après toutes ces tentatives. Je veux vivre et j’écarterai la mort de mon chemin. Peut être trébucherai-je sur une pierre, je tomberai mais je me relèverai toujours. Je veux un avenir, je veux autre chose que le malheur et ton image. A toi aussi, mon cher frère … Je ne t’oublierai pas. Je n’ai jamais cru au paradis, mais s’il existe, j’espère que vous serez mieux là-haut. Moi, je vais prendre le chemin d’une nouvelle vie. Je vais repartir de zéro. Ma tante va déménager, on s’installera dans la ville. J’irai au lycée, comme tout le monde.
Et je vivrai.